Login

UNE SÉPARATION LOURDE DE CONSÉQUENCES

Les conséquences économiques et fiscales vont varier selon le régime matrimonial des conjoints et la situation juridique de l'exploitation.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

PAIEMENT DE SOULTE, DE RÉCOMPENSE, prestation compensatoire, pension alimentaire... Le divorce a des conséquences financières importantes. En général, le niveau de vie des ex-conjoints baisse. Les frais qui étaient partagés jusqu'alors (électricité, téléphone, chauffage, garde d'enfants...) devront être supportés individuellement par chacun après le divorce.

Les considérations fiscales sont rarement prises en compte par les époux lorsqu'ils se séparent. Pourtant, en matière agricole, elles ont toute leur importance. Qu'il s'agisse de taxation des plus-values lors de la vente des biens immobiliers ou de la fiscalité des revenus, elles peuvent remettre en cause la pérennité de l'entreprise.

Au prononcé du divorce, la communauté conjugale créée entre les époux se transforme en une indivision post-communautaire. Sur le plan fiscal, il n'y a pas de cessation d'entreprise. De même, le partage de l'indivision post-communautaire ne constitue pas non plus une cessation d'activité en cas de poursuite de l'exploitation par l'un des époux et le maintien des biens à l'actif de l'exploitation.

COMMUNAUTÉ : DES PLUS-VALUES DIFFÉRÉES

« En régime de communauté légale, le prononcé du divorce ne change pas grand-chose tant qu'il n'y a pas de liquidation de l'indivision post-communautaire », explique Luc Rétif, responsable fiscal chez Icoopa. À ce stade, rien n'est réglé.

« Ce n'est qu'au moment du partage que l'on va tirer les conséquences fiscales sur les biens qui seront retirés de l'exploitation », poursuit-il.

Si l'exploitation est un bien commun à la femme et au mari, pendant le mariage, les époux sont coexploitants au sens fiscal, même si l'épouse a une activité extérieure. Au divorce, il y a continuité fiscale dans le cadre de l'indivision post-communautaire.

Au partage, il y aura taxation des plus-values uniquement chez celui qui se retire sur les biens repris en privé.

Si celui qui part participait aux travaux, les plus-values (PV) sont d'ordre professionnel avec des exonérations possibles (conditions : durée d'activité et montant des recettes). S'il ne participait pas, les PV sont d'ordre privé et ne pourront pas bénéficier d'exonérations.

Si aucun bien n'est retiré, il n'y a pas de taxation.

« Très souvent, le conjoint qui poursuit l'exploitation dédommage son conjoint en lui payant une soulte. Ce qui peut être dangereux pour la suite car ce paiement n'entraîne pas de réévaluation au bilan. L'exploitant restant peut être pénalisé à l'avenir sur des PV éventuelles liées au paiement de cette soulte, indique le fiscaliste. Si l'exploitant vend dans quelques années, c'est lui qui assumera entièrement la fiscalité des plus-values. »

Prenons l'exemple d'une exploitation laitière évaluée 600 000 € d'actif net en valeur vénale, soit 300 000 € pour chaque conjoint. Dans la comptabilité, elle vaut 200 000 € au bilan. L'un des conjoints se retire, il encaisse 300 000 € payés sous forme de soulte par celui qui reste. L'exploitant reste avec une valeur de capitaux propres de 200 000 € au bilan comptable et a supporté une dette de 300 000 €. S'il cède les actifs le lendemain au prix de 600 000 € avec une taxation de PV de 30 %, il paiera 120 000 € d'impôts (600 000 € - 200 000 € x 30 %). Il lui reste 180 000 € (600 000 € - 300 000 € - 120 000 €) au lieu de 240 000 € : 1/2(600 000 - 120 000) = 240 000 €.

SÉPARATION DE BIENS : RÉÉVALUATION D'ACTIF ET PLUS-VALUES

En régime de séparation de biens, les choses sont plus simples car on a deux patrimoines séparés.

Dès lors que l'exploitation est considérée comme un bien propre, il n'y a aucune incidence liée à la séparation. Celui qui est titulaire continue puisqu'il n'y a pas, cette fois, de notion de coexploitant fiscal. Cette situation peut aussi se rencontrer en régime de communauté avec une exploitation reçue ou créée avant le mariage. C'est alors un bien propre.

On peut être en séparation mais avoir acheté des biens en indivision. Dans ce cas, le traitement fiscal est différent de celui du régime de communauté car il y a passage d'un patrimoine à l'autre.

Celui qui reste rachète à l'autre sa quote-part d'indivision. Il va réévaluer d'autant son actif.

Par exemple, le tracteur est en indivision entre Madame et Monsieur. Il vaut 10 000 € en valeur comptable et 30 000 € en valeur vénale. Madame revend sa quote-part d'indivision (15 000 €). Elle paiera une PV sur 10 000 € (15 000 € - (10 000 €/2). Au bilan, on réévalue le tracteur pour tenir compte de la quote-part de Monsieur (5 000 € en valeur comptable) et de la valeur du « demi-tracteur » qu'il vient de racheter (15 000 €), soit une réévaluation de 10 000 €. La taxation aux plus-values s'appliquera sur les biens retirés par celui qui part et sur ces droits indivis.

- S'il est non participant : plus-values privées.

- S'il est participant : plus-values professionnelles.

Le grand danger est de ne pas être exonéré des PV si on n'est pas ou plus exploitant au moment du retrait des biens.

« Si les personnes sont en séparation de biens, mais qu'ils gèrent comme s'ils étaient en communauté, on se retrouve obligatoirement avec des biens indivis. Toute la difficulté va être de déterminer les biens en propre ou ceux en indivision », admet le fiscaliste.

SOCIÉTÉ : ATTRIBUTION OU CESSION DE PARTS SOCIALES

La société est un garant de la continuité de l'entreprise. Il n'y a pas de cessation d'entreprise à partir du moment où la société est maintenue, que ce soit au divorce ou au partage.

Au moment du partage, on règle le sort des droits que détiennent les conjoints dans la société (parts sociales, comptes courants d'associés). Il s'agit de s'entendre sur l'évaluation des parts sociales. Celui qui reste rachète (biens propres) ou reprend (biens communs) les parts de l'autre. En cas de cession de parts, le traitement fiscal se fait avec taxation des plus-values sur les parts du partant. Il n'y a pas de taxation des plus-values en cas de reprise de parts communes.

Cession de parts détenues en propre ou de la quote-part indivise

- associé exploitant (AE) : plus-values professionnelles ;

- associé non exploitant (ANE) : plus-values privées.

Parts communes cédées

- si ANE : PV privée,

- si AE : PV professionnelle.

Toute la difficulté encore une fois est de déterminer le caractère propre, commun ou indivis des parts sociales. Ensuite, il s'agit d'évaluer la valeur des droits au jour du divorce.

En société, la gestion du partage est facilitée. Il est plus facile de céder des parts sociales que de séparer un patrimoine commun.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement